Ces deux sels n'ont qu'un
seul point en commun : ils se
forment dans la même eau, dans les
mêmes oeillets
(cristallisoirs). Sinon
tout les sépare :
- la méthode de
récolte
- le prix de vente
- le
goût et l’usage
que l’on en fait.
Si vous avez besoin de sortir du cliché habituel
selon
lequel la Fleur de Sel serait le « top » du sel et
le Gros Sel, le sel du commun, nous vous invitions à lire ce
qui suit.
Si vous n’avez pas le temps, retenez simplement que notre
Gros Sel est un excellent sel de cuisson, et notre Fleur de Sel, un
excellent sel de table.
Laissez
évaporer de l’eau
salée : des
cristaux apparaîtront dans le fond. C’est ce qui se
passe en période de production dans nos œillets
à Batz-sur-Mer. Ce phénomène
habituel est celui qui permet l’apparition du Gros Sel.
Mais, quelques fois, un autre
phénomène se
produit lorsque le vent souffle sans exces et
régulièrement, de l'Est de
préférence. Une
fine
croûte de sel se forme en surface. Elle
ressemble
à du sucre glace :
c’est la Fleur de Sel.
Ce produit est très sensible : une simple rosée
ou une vaguelette (causée par le vent ou par la maladresse
du
paludier), suffisent à la faire couler. Elle se re-dissout
alors dans la saumure.
C’est donc par elle que, le soir, nous commençons
la récolte.
C’est un travail relativement physique mais surtout
très délicat. Il consiste à glisser une plaque
de bois (ou autre) sous
la Fleur de Sel, à progresser en la laissant
s’accumuler sur la plaque, puis à verser le tout
dans une brouette ou un panier.
L’épaisseur entre la Fleur de Sel et le fond argileux est inférieure au cm. Si on accroche le fond, l’argile salit la fleur qui est alors perdue. Il s’agit donc de rester calme, même si les minutes sont comptées avant la rosée du soir, et si l’occasion de récolter de la Fleur ne se représentera peut-être pas le lendemain. C’est un travail pour lequel le genre féminin excelle. Les dames et demoiselles sont souvent plus précises et plus rapides que les hommes.
Une fois la Fleur récoltée, peut commencer la
récolte du gros sel. Le caractère très
physique de ce travail le réserve plutôt aux
hommes (mais il existe des exceptions qui ne confirment pas la
règle…).
L’outil s’appelle le las. C’est un manche
en fibres (autrefois en châtaigner) de 5 m de long, au bout
duquel se trouve une « maille » : une planche de
bois présentée comme un râteau.
Cette récolte se fait en trois étapes :
D’abord on « rolle » :
c'est-à-dire que l’on pousse l’eau sans
chercher à atteindre le sel, c’est l’eau
qui transporte le sel et non l’outil directement. Le las ne
doit surtout pas toucher le fond, sinon on récoltera autant
d’argile que de sel. Nous sommes donc en aquaplaning.
Ensuite, on hale : on tire l’eau avec
les mêmes
exigences, jusqu’à ce que le sel forme un petit
amoncellement au milieu de la saumure.
Enfin, on « trousse »: il
s’agit de
l’amener sur la terre ferme, cette fois en travaillant le sel
directement, sans l’intermédiaire de
l’eau.
Cette technique nous amène à beaucoup «
brasser », nous manoeuvrons du sel mais aussi de
l’eau … dur dur certains soirs.
Même si nous écoulons plus facilement la Fleur que
le Gros, cette différence n’est pas
l’effet de la loi de l’offre et de la demande. Il
est plutôt la conséquence d’une
différence dans le coût de fabrication. En effet
nous produisons en moyenne 20 fois moins de Fleur de Sel que de Gros
Sel. Pourtant, le temps de récolte est sensiblement le
même, et la Fleur de Sel sera ensuite beaucoup plus
délicate à stocker et à conditionner.
Ayant
lu ce qui précède, vous
serez peut-être étonnés
d’apprendre
que la Fleur sale
beaucoup mois que le Gros Sel. Mais
l’intérêt de la Fleur de Sel
réside justement dans cette faible salinité,
associée à un caractère
très soluble.
Mettez de la fleur de sel sur un aliment, juste avant de le mettre en
bouche. Et là, la magie s’opère. Vous
avez d’abord le goût de l’aliment brut,
non salé, puis, en une fraction de seconde, vous sentez la
Fleur se dissoudre et relever l’aliment en douceur, sans
aucune sensation de « trop salé »,
l’effet est incomparable.
Mais attention, il
n’y a que l’Atlantique qui
produit ce type de Fleur, et encore le plus au Nord possible.
Rationnellement, il semble que l’origine de ce
phénomène soit dans la composition de la fleur :
moins de Sodium, plus de Magnésium. Ce serait là
l’origine de sa solubilité et de sa faible
salinité.
Cette faible salinité empêche son usage pour la
cuisson : il faudrait en mettre des quantités
phénoménales pour un résultat qui
n’a rien d’extraordinaire. Ce sera plutôt
le rôle du Gros Sel, qui, se formant sur l’argile,
présente en outre, l’avantage
d’être plus riche en
oligo-éléments.
C’est le sel de cuisine par excellence, que
l’on va
mettre dans l’eau de cuisson ou dans les sauces.
Mais, là encore, ce serait une erreur de penser que le Gros
Sel de Batz-sur-Mer sale plus que les sels industriels.
Là où un sel industriel comprendra 99,9% de
chlorure de sodium (le sel à proprement parler), le Gros Sel
de Batz plafonne à 94% (ce pourcentage varie
beaucoup en fonction des récoltes). Le reste est
constitué d’eau,
de chlorure de
magnésium, calcium, et potassium, et, en
quantité
moindre,
d’oligo-éléments.
Cela profite non seulement au goût, qui sera
plus rond, plus
flatteur pour l’aliment lui-même, mais aussi
à la santé.
Ces sels minéraux annexes à l’eau de
mer sont un vrai trésor : ils rapprochent la composition du
Gros Sel de Batz de celle de notre milieu
intérieur. L’assimilation en est donc
facilitée, beaucoup plus que lors des traditionnelles
« cures » qui saturent le tube digestif (cure de
magnésium par exemple).
rappelons que, d’une manière générale, l’excès de sel n’est pas bon pour la santé. Mais avec le sel de Batz-sur-Mer, il est possible de bien saler sans trop saler.