Rien ne remplacera une promenade sur le marais. Mais les paludiers n'ont pas toujours le temps de donner des explications. Et puis tout le monde n'a pas la chance de pouvoir faire un séjour sur la Presqu'Ile de Batz-sur-Mer.
Nous vous offrons donc une visite guidée au travers de cette page. Il vous manquera le vent, l'atmosphère iodée, mais aussi les embruns et parfois même les odeurs lourdes qui ne constituent pas forcément la meilleure page de pub.
Allez en route !
Nous n'avons jamais eu le privilège de survoler la Presqu'Ile. Pourtant le paysage est magnifique. Cette vue de Google Earth permet de situer les entrées par lesquelles l'eau de mer va pénétrer dans le bassin de Batz/Guérande. La saline de Lacüestan prend son eau par l'étier du Pouliguen. |
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Le Traict du Croisic sépare Guérande de sa Presqu'Ile de Batz-sur-Mer. Cette étendue découvre complètement à marée basse, laissant apparaître bancs de sable et de vase. La moitié ouest du Marais Salant est alimentée depuis ce Traict. |
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Au Sud, l'unique alimentation - l'Etier du Pouliguen -
donne sur la Baie de La Baule |
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L'Etier se prolonge par un port de plaisance ... | |
... puis par une zone de divagation qui donne une petite idée de ce qu'était le paysage avant la mise en place des Marais Salants, il y a très longtemps. | |
Voici l'Etier 2 km plus loin, à sa quatrième ramification. Ici à marée basse. | |
La
même photo à marée haute. Le pont à gauche est à fleur d'eau. Les talus sont juste à la hauteur nécessaire pour supporter les plus hautes marées. |
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Les tempêtes au mauvais moment (marée haute à fort coefficient) peuvent provoquer débordements et dégâts. | |
Tout va très vite, les brêches se forment, et chaque fois que la mer entre massivement dans les salines, elle fait de gros ravages sur ses structures fragiles. Un gros travail de remise en état est alors nécessaire. | |
L'hiver 2007, avec les tempêtes, nous observons des phénomènes qui surprennent et inquiètent : débordements massifs sur la digue sans brêches ni dégâts majeurs. De plus un embarcadère maçonné ne découvre plus à marée basse. Des signes de la montée des eaux? Pas sûr : les pressions atmosphériques particulièrement basses cette année font remonter le niveau de l'eau. | |
Mais
n'oublions pas que vous êtes en balade, pas en mission
humanitaire. Vous arrivez maintenant au bout du bout d'une des ramifications de l'étier. Au premier plan le tuyau qui sert à vider notre saline : le "cuy de saline" Au second plan à gauche, une vanne - la trappe de vasière - que l'on ouvre pour faire entrer de l'eau de mer dans un "étang" de stockage : la vasière. |
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Une
parenthèse est encore nécessaire : les salines
sont en-dessous du niveau de la mer à marée haute mais au-dessus du niveau de la mer sinon. (le
marnage peut faire 6,5 m dans notre région). Nous n'avons donc pas l'eau de mer en permanence à disposition pour la faire entrer dans la saline. Nous sommes donc obligés de profiter des forts coefficients tous les 15 jours, (voire tous les mois) pour stocker de l'eau dans les vasières. |
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Cette photo de vasière n'est pas très représentative : il n'y a pas toujours autant d'algues. Mais elle illustre bien que la vasière est bien plus qu'un simple stockage, c'est un écosystème très riche dans lequel les êtres vivants vont débarrasser l'eau de tout ce qu'on ne souhaite pas voir entrer dans notre saline : nitrates, phosphates ... et oui l'eau de mer aussi en contient un peu, mais grâce à tous ces êtres vivants, ils sont totalement absents de notre sel. | |
Voici
la "tour de contrôle" du paludier. Entre la vasière
et la saline, le kamladur
est une planche ou un pali d'ardoise avec des trous. S'il pleut ou s'il
a plu, les trous sont fermés. Pour une
évaporation normale, on ouvre un trou et pendant les grosses
journées, c'est plusieurs trous. Mettre trop d'eau sur la
saline c'est réduire l'évaporation et donc perdre
du sel. Si on n'en met pas assez, on manque d'eau et on perd
aussi du sel. Les meilleurs paludiers sont ceux qui arrivent à avoir en permanence 1 à 2 cm d'eau sur la saline. |
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Ces pièces d'eau s'appellent des fares. Ils servent à l'évaporation. L'eau circule par gravité de fare en fare. Etant donné qu'à chaque fare, une partie de l'eau s'évapore, le débit diminue au fur et à mesure que l'on progresse dans le circuit. A la fin il est 10 fois inférieur. La concentration de sel passe d'environ 27g par litre à environ 270g par litre, le seuil de la cristallisation. Aucun sel n'est jamais récolté dans les fares. | |
Au bout du circuit se trouvent les adernes. C'est un stockage de saumure (ici vide) dans lequel on va puiser pour garnir (dourer) les cristallisoirs (oeillets). pendant les périodes de production, on remet de la saumure à chaque récolte. | |
Le Dlivre (se prononce "délivre") distribue la saumure dans les cristallisoirs. Attention il faut éviter que le sel apparaisse dedans (admirez comment j'y parviens ... pas). Sinon on risque la surchauffe des oeillets (cristallisoirs trop salés) et la congestion du dlivre. Et là c'est une galère presque irréversible pour la saison. | |
Entre le dlivre et l'oeillet, une simple ardoise sert de vanne. On va pouvoir la lever entièrement ou partiellement. Nos techniques datent du néolithique mais, je vous promets, elles sont efficaces | |
Enfin l'oeillet (le cristallisoir) et le sel. L'oeillet c'est le "Saint des Saints", Nous avons l'habitude de dire à nos saisonniers que c'est l'assiette du client. Interdiction de s'en approcher pour autre chose que pour travailler parce que tout est en argile, A chaque pas, un non initié soulève des petites mottes qui risquent fortement de se retrouver dans le sel. | |
C'est une des raisons qui nous incite à inviter le promeneur à ne pas descendre sur la saline. Tout est fragile. Sans s'en rendre compte, pensant même ne pas avoir laissé de traces, il peut salir le sel, modifier les débits, et bien nous faire râler, malgré notre bonne humeur ... légendaire.. |
Voilà la promenade se termine, vous avez parcouru le circuit d'eau beaucoup plus vite que l'eau elle-même : elle met 2 à 3 jours pour parcourir la saline : sortie de vasière à oeillet. Et ce circuit devra être alimenté pendant au grand minimum 3 semaines de beau temps pour obtenir les premiers cristaux de sel. S'il pleut, on attend que l'eau de pluie s'évapore et on recommence là où on en était resté.
A regarder une telle page, on peut penser que tout se fait tout seul et que le paludier n'a qu'à s'occuper des débits ... non c'est un métier pénible. Je vais y consacrer les prochaines pages, dès que les salines nous en laisseront le temps.